| | [TWWRY] L. Mendelsohn (Topics) | |
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Iracebeth
J'ai envoyé : 728 depuis le : 18/11/2012
| Sujet: [TWWRY] L. Mendelsohn (Topics) Mer 4 Jan - 15:08 | |
| With Cameron - Spoiler:
Les paupières closes, appuyé contre le dossier, les paumes perdues dans ses mèches blondes, le souffle épuisé, il semble avoir atteint le seuil de tolérance. Les secondes passent sans rien améliorer à l'état, ni à la cause. Pourquoi les choses doivent-elles être aussi compliquées ? Quand il se redresse, c'est pour observer ce qu'il connaît désormais sans heurts. Ce mur. Le mur des horreurs comme le nomme certains. Le mur des cauchemars lui paraît plus approprié tant il hante ces derniers. Les noms, les visages, les coups de marqueur, les coupures de presse. Tout se mêle dans un flot incompréhensible et désordonnée à l’œil inexpérimenté. Mais plus pour lui, plus maintenant. Chaque connexion, chaque lien sont plus évidents qu'ils ne l'ont jamais été. Les réponses manquent pourtant. Elles semblent le fuir, l'abandonner, le narguer même parfois tant elles paraissant lointaines et inaccessibles. Les années ont passé, les mois se sont enchaînés à mesure des corps et des larmes. Pourquoi alors ? Pourquoi les questions restent sans cesser alors que les finalités sont inconnues ? Il y a des survivants pourtant. Des êtres dont la chance ou la malchance a mis fin à ce qui aurait du être la dernière heure. Mais là encore, rien n'y fait. Il sait, il sait que les interrogations ne pourront pas rester. Que cela doit cesser. Mais le comment lui échappe. Certaines choses ne collent pas, d'autres manquent. Forcément. A croire que tout manque. Il en deviendrait fou. Pour l'heure cependant, il n'est pas encore le temps de l'abattement. Il le sait. Pas avant d'avoir tout fait, tout donné, tout tenté. Renoncer serait lui donner bien trop de crédit. Les mains en travers des traits, il respire une nouvelle fois avant de retourner à ses affaires, pas nécessairement les plus urgentes mais les plus simples. Toutes le sont en comparaison de celle qui occupe tant l'espace que les recoins de sa pensée. Elles n'en restent pas moins préoccupantes, éprouvantes. On pourrait croire que la présence d'une ... chose telle que le Poète donnerait envie aux autres de renoncer leurs activités répréhensibles. Ça serait trop en demander, évidemment. Il n'est pas fou, ni utopiste. Il ne l'a jamais été. Aussi, ils paieront comme les autres parce que lui non plus n'a pas mis fin à ses affaires. Le compte du temps lui a encore échappé quand une sonnerie vient le rappeler à l'ordre. Il y a un moment de flottement, d'hésitation et puis il saisit l'appareil. Il le sait pourtant. Réglés comme une horloge, les rendez-vous s'enchaînent, seule constante prévisible des jours qui passent. Du moins le pensait-il. Avec un dernier soupir, il finit par saisir ses affaires et quitter les lieux, non sans avoir salué une dernière fois sa secrétaire qui l'observe partir sans poser de questions. Au moins une dont la mémoire n'a pas flanché.
Ce trajet qu'il connaît par cœur se fait sans encombres, ses pensées bien plus préoccupées par les affaires qu'il a été obligé de laisser sur le bureau. D'ordinaire, il considère ses rendez-vous comme une perte de temps mais il sait qu'il en perdra d'autant plus s'il les ignore. Même s'il en a conscience, on ne va lui annoncer aucun miracle. Il a longtemps qu'il a renoncé à l'idée d'en observer un. L'odeur des lieux le frappe avant même qu'il ne s'en aperçoive. Le souvenir qu'il réveille en lui pourtant n'a rien de réjouissant. Il déteste venir là. Mais une fois encore, le choix ne lui a pas été laissé. Il suit le chemin tracé par des semaines d'habitude avant de rejoindre le service. En traversant les précédents, il se dit qu'il a quelques temps qu'il n'a pas pris de ses nouvelles. Il sait pourtant que Cameron n'apprécie pas spécialement sa visite. Il ne lui en tient généralement pas rigueur. Peut-être pourra-t-il juste demander dans son service comme à chaque fois. Ca n'engage à rien et puis ça sera l'occasion de tenir au courant Siobhan quand il passera la voir. Les images sur le mur le hantent encore et il se dit que le reste du jour va être long. Le cri qu'il entend derrière lui le tire pourtant bien assez tôt de ses réflexions. Il connaît cette voix et en d'autres circonstances, il se dirait que son esprit lui joue des tours mais pas dans le cas présent. Persécuteur n'est pas exactement l'un des qualificatifs qu'il emploierait mais il faut croire que celui-ci lui plaît. Difficile une fois encore de lui en tenir rigueur. Il ne sait pas s'il est d'humeur pourtant pour entendre ses reproches. Elle paraît en avoir décidé autrement, assise sur un fauteuil roulant face à lui. Cette dernière lui bloque le passage mais dans l'immédiat, il importe peu. Il se retient de répondre à son sourire, mais son regard est amusé.
- Bonjour, Cameron.
Il a bien du mal une fois encore à se souvenir de la première fois qu'il l'a aperçu. Des années auparavant, vraisemblablement au côté de Siobhan. Les temps ont bien changé. Ou ont-ils bien pu fuir ?
- Seulement mes médecins, aujourd'hui. J'ai bien peur de ne plus être en service. Mais si je peux vous en rendre un.
Il tente de faire fuir les images qui hantent son regard et son esprit, de se concentrer sur elle, bien là, bien vivante, bien en forme visiblement aujourd'hui. Il tente de laisser la fatigue, les troubles, les affaires derrière lui, qui n'ont pas leur place ici puis de ramener un sourire sur ses traits. Ce qui semble soudainement moins compliqué quand la personne en face vous tire la langue.
- Je passe. Demandez à mes nièces, je suis épouvantable à ce jeu-là.
Il ignore à quelle vitesse fuit les minutes mais cela n'a aucune importance. Il sait que le moment venu, on viendra le chercher.
- Mais je suis sûr que vous avez encore plein d'autres idées en tête.
Pourquoi joue-t-il le jeu ? Il n'en a aucune idée. Sans doute les dernières heures ont-elles été trop longues, trop harassantes. Sans doute le lieu est-il trop déprimant. Sans doute, cette fois, il n'a pas envie de lui rappeler pourquoi elle est là, pourquoi il est là. Pourquoi les temps changent et se révèlent parfois insupportables.
- Spoiler:
Il suffit parfois de peu. Pour décrocher du néant ou de l'adversité. Pour oublier la langueur des jours et leur étrange durée. Pour saisir autre chose que les fragments plus ou moins appréciables qu'apportent les heures. A la vérité, les débuts n'ont pas été simples. Les premières nuits ont été âpres, difficiles. Les insomnies, malheureusement nombreuses. Les affaires n'étaient jamais bien heureuses et les cas pouvaient être difficilement supportables, ne serait-ce qu'à la vue des photographies. Il a appris depuis à se blinder, à s'en détacher mais l'effroi reste encore. Il a fallu apprendre cela aussi. Se libérer, oublier ou du moins laisser de côté, rien qu'un peu. Juste le temps de reprendre le souffle, de retrouver pied dans une réalité moins sombre, moins cauchemardesque. Moins déprimante. Faire la part de choses. Laisser la part d'horreur enfermée à double tour dans un dossier de carton papier. Le temps a fait son oeuvre. Cela surprend toujours Siobhan. Cette capacité à faire abstraction. C'est surtout un mécanisme de survie. Les années face à lui sont encore nombreuses. Les vivre verrouillé dans les méandres les plus sombres de l'humanité ne peut mener qu'à une seule chose. Il le sait. Il s'y refuse. Il ne peut leur céder ça. Continuer, poursuivre la bataille, juste pour leur prouver qu'ils ne l'ont pas gagné. Les idées ont fini par naître, se créer. Avant l'accident, les rituels étaient simples. Le sas de décompression bien réel, bien net. Et quand ils étaient insuffisants, il restait toujours les autres. Mike, Siobhan, ses nièces. Les amours de passage et les amis de longue date. Mais ça n'a pas duré. Le crash a emporté son apparente sérénité quand il a pris la vie de son beau-frère, en dépit de la sienne. Les mois alors ont été longs, fastidieux, insupportables. Ils ont passé pourtant. La distance forcée a finalement été bénéfique. Il a pu se détacher vraiment, oublier. Se concentrer sur autre chose, sur le plus urgent. Le retour a été douloureux, d'autant plus quand la bataille n'est pas terminée. Mais une fois encore, la distance est toute offerte et finalement, les affaires moins ardues à appréhender. De nouvelles choses ont fini par prendre la place des anciennes et le besoin de faire le vide s'est fait plus important à mesure que les affaires se sont faites plus nombreuses. Celle du Poète continue de le hanter, même le bureau quitté. Elle le fera jusqu'au bout, il le sait. Même quand elle aura pris fin; elle sera toujours là. Mais l'heure n'y est pas encore. Et le peu pour déconnecter devient nécessaire, presque vital. Il vient parfois de rien, parfois simplement d'autre chose. S'y perdre ne fera rien avancer, alors. C'est l'un de ces jours. L'une de ces occasions. Ça n'aurait pas du pourtant. La présence même de la jeune femme dans les lieux est un rappel. Un mémento des circonstances, des raisons. Le lieu même est une évocation incessante. Il est tenté de faire fi pourtant. Il n'est pas là pour ça et il sait pertinemment qu'elle n'a nulle envie d'en parler. Autant faire autre chose, penser à autre chose. Oublier juste quelques secondes les méandres de la folie. Il observe donc, écoute attentivement, se retient de sourire, parce que le coeur n'y est pas encore. L'exercice est difficile cependant. La jeune femme vient de poser ses pieds sur ses jambes et il avoue ne pas en être spécialement dérangé. Pourquoi le serait-il ? Son attitude au contraire le ferait plutôt rire. Il n'en fait rien pourtant, pas encore, peut-être, se contente d'un fin sourire.
- Promis. Elle n'était pas sûre que vous vouliez mais .... je le lui dirais. Depuis ... depuis la dernière fois, elle a du mal à revenir ici. Mais ... vous verrez les filles comme ça. Elles ont bien grandi.
Le sourire est d'autant plus difficile à contenir quand il s'agit d'elles. Elles sont bien les seules à parvenir à le faire naître franchement sur ses lèvres. Pendant une seconde, il hésite. Il n'est pas sûr que Cameron soit au courant pour la mort de Mike. Elle était encore dans le coma et elle a eu bien d'autres choses à penser depuis son réveil. Perdu dans ses pensées, il n'amorce aucun mouvement quand celle-ci se redresse avant d'aller rendre son fauteuil roulant. D'une réflexion fugace, il se dit qu'il aimerait bien pouvoir faire de même. Rêve utopique s'il en est. Elle finit par revenir vers lui et il la suit sans un mot jusqu'au distributeur. Il n'a pas le temps de réagir que cette dernière lui a déjà collé les deux jus sur les genoux.
- Merci.
Il ne réagit pas non plus quand elle se met à pousser son fauteuil. Alors même qu'il aurait protesté en temps normal, tant il déteste cette forme de dépendance. Mais il est dans un hôpital après tout, autant la laisser faire. Elle finit par trouver un banc à l'extérieur, devant lequel il pivote pour ne pas l'avoir entièrement face à lui, ni avoir la lumière totalement derrière. Il l'observe boire, avant qu'elle n'entame à nouveau la conversation. Il se mord la lèvre inférieure une seconde, incertain quant à sa réponse. Il ne s'attendait pas vraiment à ce type de questions. Il finit par y réfléchir pourtant. Il sait qu'il peut être bien difficile de trouver quelque chose en ville qui puisse convenir. Il en a fait l'amère expérience quand il a fallu qu'il trouve un nouveau logement parce que le précédent n'était pas habilité pour les fauteuils roulants.
- Tout dépend de vous chercher. Si vous voulez un truc pas trop mal, il faut tenter le centre ville. Il faut bien choisir mais ça peut être plutôt raisonnable si on ne va pas dans le dernier cri. Près du lac, il y a des lieux relativement intéressants mais je ne le recommanderais pas.
Surtout si l'on prend en compte la proximité des bois. Ces lieux n'ont pas fini de le hanter. Et il serait peu avisé d'y envoyer Cameron, quand bien même la protection y soit désormais accrue.
- Je peux difficilement en vouloir à votre frère ou votre tante. Mais je peux aussi comprendre que vous ayez envie de faire votre vie. Sans dépendre du regard de qui que ce soit, encore moins un regard inquiet.
Est-ce de lui qu'il parle alors ou bien toujours d'elle ? Il ne sait plus vraiment. Il revoit encore les yeux de Siobhan quand il lui a annoncé son départ après quelques semaines à la maison, principalement pour l'aider elle mais aussi dans l'attente d'une bien meilleure indépendance pour lui. C'est bien le type de regard qu'il refuse encore mais qu'il est difficile d'éviter dans sa position. Cameron affronte sans doute aussi les siens. C'est son regard qu'il porte désormais vers elle. Il se retient d'ajouter un mot, peu certain qu'elle souhaite qu'il lui demande comment elle va. Il attend alors, les doigts perdus jouant inconsciemment sur la briquette de jus de fruit, toujours sur ses jambes. Pendant une seconde, il a presque oublié. Pendant une minute, il a laissé de côté le pourquoi, le comment. Les raisons qui font qu'ils sont là, tous les deux et pour lesquelles les temps ont changé.
- Spoiler:
La surprise ne fait généralement pas partie de son monde. Non pas qu'elle soit inexistante, loin de là mais il a toujours mis point d'honneur à en être victime le moins possible. Il n'y a rien de pire que se retrouver dans une situation où l'on apprend de nouvelles choses, choses que l'on s'attend à ce que vous sachiez ou avec lesquelles on espère vous piéger. Il s'y est laissé prendre, une fois, dans le cadre d'une affaire. Il a laissé passer un détail qui paraissait sans importance mais celui-ci s'est avéré bien plus intéressant et on le lui a renvoyé en pleine face avec un sourire narquois. L'erreur du débutant. Une qu'il n'a aucune intention de reproduire. Les erreurs dans un cadre tel peuvent être vitales, déterminantes. Ce même type d'erreur qui lui fait se demander alors s'il en avait une dans l'affaire qui a fini pour coûter la vie de Mike. Il ne peut se permettre les impairs et par là même, les surprises. Il déteste ça. Le temps qu'il passe désormais à faire toutes les recherches possibles et imaginables pour les éviter est insondable. Elles existent pourtant toujours, même si les ans les rendent moindres. Dans la sphère privée en revanche, c'est un autre problème. Il ne peut pas vraiment se permettre le même type d'investigation dans le cadre du travail. Plus jeune, il a eu l'étrange tentation de mener ce même genre de recherches sur les gens qu'il fréquentait mais il a bien vite cessé sitôt que sa soeur en a eu vent, le traitant alors de psychopathe. Il n'était pas sûre que le terme fût alors très approprié mais il avait mis fin à ses "enquêtes". Elle avait eu raison sur le fond. Maintenant, avec le recul et sa nouvelle position, il est tenté de recommencer mais n'en a rien fait. Il ne va pas se mettre à devenir paranoïaque, les nuits sont déjà bien trop courtes. Est-il alors surpris ? Pas tant que ça. Cela ne tient principalement au fait que sa vie privée est depuis quelques temps proche du néant, essentiellement par choix. Il se refuse à imposer son fauteuil et tout ce qu'il implique à qui que ce soit. Les surprises alors n'ont pas le temps d'arriver. D'une certaine manière, les choses sont devenues monotones. Il n'y a pas pensé, il faut le dire. Mais il se dit qu'au fond, c'est mieux, il peut avec ça éviter les mauvaises. Il les redoute encore pourtant. Chaque fois qu'il passe les portes de l'hôpital. Il a peur que soudain, on lui annonce des nouvelles pires encore. L'endroit plus que la situation le rend finalement quelque peu paranoïaque. A croire qu'il ne peut pas tout avoir. Il le sait pertinemment pourtant. Les bonnes surprises sont rares dans ces lieux, il faut bien l'avouer. Mais si, parfois aussi, elles arrivent. Ce jour-là ne fait pas exception. L'attitude de Cameron à son égard est inhabituelle, pas déplaisante mais surprenante. Le qualificatif qu'elle a usé plus tôt pour l'appeler en donne bien la mesure. Elle est généralement bien peu agréable avec lui, non qu'il lui en veuille. Elle n'a pas tout à fait tort, sur le fond. Ils auraient du attraper cette saloperie bien plus tôt mais il leur échappe encore. Ses nouveaux meurtres ont arrêté d'être des surprises, ils ne sont que des rappels, douloureux de leur incapacité actuelle. Incompétence diraient certains. Peut-être bien. Il déteste le penser pourtant. La belle surprise serait de l'avoir enfin mais ils en sont loin encore, il en a peur, alors en attendant. Il saisit les plus légères mais néanmoins appréciables qui se présentent à lui.
Il l'observe, pensif. L'étonnement est passé mais il reste tout de même intrigué. Elle n'en a pas terminé pourtant. En la voyant se pencher sur lui, il ne sait vraiment comment réagir, ne s'attend pas particulièrement à ce qui va suivre. Il regarde le produit sur ses genoux, pendant une seconde, il l'a presque oublié.
- Je ne vous fais pas la tête. Vous avez vos raisons, que je peux tout à fait comprendre.
Il fait tourner le jus qu'elle vient de lui rendre entre ses doigts, baisse son regard dessus, avant de poursuivre.
- Si ça peut vous rassurer, je ne le sais pas non plus. Le temps passe mais ... difficile de passer à autre chose quand on a le memento en permanence.
Le regard qu'il offre à son moyen de locomotion est aussi agressif que dans ses mauvais jours. Il n'a aucune envie de l'être pour autant. Il est bien obligé de faire avec.
- J'espère que vous pourrez au moins quitter ces lieux, bientôt.
Il a conscience marcher sur un terrain qui n'a rien de réjouissant, la fatigue n'aide pas. Ses doigts toujours sur la brique, il finit par en prendre une gorgée. Et si l'attitude de Cameron ce jour-là a eu le don de le surprendre, ça n'est rien à côté de ce qu'elle lui annonce alors. Et il est soudain heureux d'avoir bu pour ne pas avaler de travers. Il l'observe, surpris, ne sachant pas tant quoi lui répondre. Il s'étonne à sourire, presque flatté.
- Euh, je vous avoue que je ne sais pas quoi vous répondre à ça. Vraiment ?
Maintenant, il est amusé. Il tente un retour en arrière, de se rappeler de cette époque-là mais il est vrai qu'hormis le look qu'elle avait alors, rien ne lui revient. Il passait tant de temps dans les livres de droit qu'il n'a jamais vraiment prêté attention aux amies de sa soeur, plus que de mesure en tout cas. Il y a bien eu Cal mais bon, elle, c'était un cas particulier.
- Je me souviens bien des cheveux teints par contre !
Il est, à son tour, pensif. Le temps a-t-il vraiment passé si vite ? Il faut croire. Ils sont bien loin des adolescents qu'ils ont pu être, c'est certain, bien plus endommagés. Il a eu son lot de surprises finalement. Les années en ont été faites. Mais personne n'a jamais dit qu'elles doivent toutes être mauvaises. Il a fini par l'oublier.
Dernière édition par Elijah Mikaelson le Sam 17 Juin - 20:15, édité 1 fois | |
| | | Iracebeth
J'ai envoyé : 728 depuis le : 18/11/2012
| Sujet: Re: [TWWRY] L. Mendelsohn (Topics) Mer 4 Jan - 15:09 | |
| With Ruby - Spoiler:
Les cris fusaient. Les voix s'emportaient, parlaient de mots violents ou sans intérêt. Le flot des paroles était incessant, assourdissant. Il était dans ses pensées. Le sens de la conversation lui échappait. Il ne voulait pas le rattraper. Le débat était incessant, continu, harassant. Le regard perdu sur les silhouettes floues qui dominaient. Il détestait ce sentiment. Celui-ci d'être en dessous, de tous les observer en contre-bas comme s'il leur était inférieur. Les coudes sur les accoudoirs, les doigts croisés sous le menton. Il laissait le flux se tarir. L'ennui le saisissait à défaut de ce sentiment d'agacement qui le prenait toujours dans ce genre de cas avant de le rendre froid et acerbe par dépit d'attention. Le bruit finit pourtant par lui hérisser les tympans. Aussi il finit par relever les yeux pour donner un regard plus approfondi à la scène. Les gestes accompagnaient bien souvent les éclats de voix et il savait que ça ne mènerait à rien. Il referma les paupières une seconde puis d'une nouvelle inspiration, parvint à faire naître le silence. Surpris. Les yeux se portèrent sur lui mais bien vite, les regards changèrent. Les mots qui quittèrent ses lèvres n'avaient rien d'harmonieux, ils étaient désagréables, implacables. Il n'en mâcha aucun. Pourquoi l'aurait-il fait ? Quelques secondes plus tôt, les lieux ressemblaient à une foire à l'empoigne ou tendaient à le devenir. L'agacement perçait dans son ton tout comme son exaspération. Les mines se firent tantôt déconfites, tantôt méprisantes. Il n'en avait que faire. En réalité, il ne comptait pas poursuivre cette histoire plus en avant pour l'heure. L'heure en effet avançait et il n'avait guère plus de temps à consacrer à ce sombre débat sans fin. Aussi, il ne leur laissa pas le temps de réagir plus encore et fit sa sortie dés la fin même de son discours. Plusieurs membres du personnel le suivirent quelque peu interloqués mais le regard qu'il adressa alors mis les choses au clair. Ils comprirent bien assez tôt, le lot de l'habitude sans doute. Il ne s'y ferait jamais pourtant. Il fit un détour par le bureau pour prendre ses affaires. Ses oreilles résonnaient encore dans un bourdonnement. Le mal de tête le guettait. Il le savait et ça l'exaspérait encore plus. Il serait toujours à temps de le faire remarquer mais il doutait de l'aspect pertinent de celle-ci.
L'air extérieur était vivifiant. Le bruit de la ville n'était pas particulièrement reposant mais il était différent. Il en était étrangement bien plus supportable. Il n'aurait su dire pourquoi. Il jeta un nouvel oeil à sa montre. Il ne serait pas en retard mais ce qui l'attendait ne le réjouissait pas. Il savait d'expérience que la durée promise ne serait guère respectée. Il aurait du prendre de quoi lire. Pourquoi avait-il oublié ? La concentration risquait de lui manquer de toute manière. Le mal de tête s'avéra bien réel. Maudits soient-ils. Il savait qu'ils n'y pensaient pas. Qu'ils poursuivaient leurs discours sans réaliser le ridicule qu'ils offraient à l'oeil extérieur. Cette affaire n'était pourtant pas si compliquée. Mais non, il fallait qu'ils soient tous en train de s'écharper comme de sombres furies. L'image manqua de le faire sourire. Peut-être emploierait-il le terme la prochaine fois. Il n'était pas sûr qu'ils apprécient cela dit. Ils n'avaient pas du apprécier sa sortie de toute manière. Il n'en avait que faire. Il n'était pas là pour leur plaire mais pour faire son travail et jusqu'à présent, il s'était plutôt bien exécuté. L'affaire allait avoir du mal à quitter son esprit, il le sentait. Il ferait avec. L'odeur de l'hôpital ne manquerait pas de le ramener à des souvenirs moins agréables encore. On pourrait croire qu'avec le temps il s'y était habitué mais il n'en était rien. Au contraire, plus il avançait, plus le parfum lui montait à la tête et le rendait malade. Il se demandait parfois comment faisaient ceux qui y vivaient de façon quasi permanente. Il devrait peut-être demander à Cameron la prochaine fois qu'il la croiserait.
Le trajet avait été mécanique tant il était connu. Il arriva donc sur les lieux sans même s'en rendre compte. Ce jour-là, c'était pour un check-up. Il détestait ça. Il détestait les examens, les tests inutiles et les formalités réglementaires qu'il approuvait sans jamais réussir à les apprécier. Une fois encore on vint lui demander s'il souhaitait de l'aider pour se changer. Pourquoi l'accepterait-il maintenant alors qu'il l'avait toujours refusé ? Il tentait de se montrer aimable mais c'était ardu. Il respectait les médecins, le personnel, ça n'était pas le problème. Il détestait ce qu'ils représentaient dans son cas. Un aveu de sa faiblesse, de son problème, de l'accident et tout ce qu'il avait amené avec lui. C'était un rappel constant, à sa vie actuelle, à sa vie d'avant, à sa situation présente et future. Sa chaise. Ses jambes. Ses mouvements figés. Certains jours, il l'acceptait, faisait avec, se disait qu'il n'avait pas le choix. Mais des jours comme celui-ci où la fatigue menaçait de le saisir, sa tolérance était quelque peu amenuisée et le regard compatissant du corps médical n'arrangeait pas les choses. Il n'était pas à plaindre, pas ici, pas dans ces lieux quand d'autres luttent littéralement pour survivre. Il était là bien vivant, certes paralysé mais vivant. Il ne méritait pas ces regards. Il dut faire avec pourtant. Les tests s’enchaînèrent, semblables d'une fois sur l'autre, sans surprise, sans changement. Au début, cette absence était un nouveau coup mais désormais, elle faisait partie de l'ordre des choses, elle était logique. L'attente se faisait sentir et il commençait vraiment à regretter de n'avoir rien pris à lire. La lente valse des examens avait fini par éloigner les échos des heures précédentes. Comme si la porte s'était soudainement fermée. La salle était pleine, il n'était pas surpris. La patience allait être de mise. Il eut un regard rapide puis un léger sourire pour sa voisine de fortune. Il ne saisit pas tout de suite mais finit par réaliser qu'elle ne lui était pas inconnue. Il y avait peu de chances en revanche qu'elle sache qui elle était mais pour lui, elle ne faisait aucun doute. Il connaissait chacun de leurs visages par cœur tant ils finissaient par le hanter. Le crissement léger de la craie lui fit quitter ses pensées une seconde et il tourna à nouveau son regard vers elle. Ruby. Maintenant, il se souvenait bien d'elle. Mais là n'était pas le lieu, ni la question. Là, ils n'étaient que deux victimes de leurs propres bourreaux, de leurs propres troubles.
La question l'amusa. Il s'apprêtait à lui répondre de vive voix et puis. Cela faisait longtemps mais qui sait, peut-être n'était-il pas si rouillé ? A défaut de ses lèvres, ce furent donc ses doigts qui produisirent ses mots. Bonjour Ruby. Je suis Levi. Je confirme, mes dix minutes sont largement dépassées. Peut-être que donner une durée n'est pas une bonne idée. Il n'était pas sûr de son langage, de ses mots, ni de ses gestes. Le temps avait passé depuis la dernière fois où il avait pratiqué. Il avait peur d'être maladroit mais espérait qu'elle ne lui en tiendrait pas rigueur. Après tout, de vive voix ou non, la conversation pouvait permettre d'oublier le fardeau du lieu et de son lot.
- Spoiler:
Faire table rase. Oublier. Faire comme si. Se dire que. Ouvrir une page blanche, une nouvelle fois et tout recommencer. Sans cesse. Parce que. Nombre étaient ceux qui avaient voulu céder à la tentation. Il en avait perdu le compte. Parfois, il comprenait. Parce que parfois pour avoir vu le même, pour avoir perdu le même, il se disait que ça ne serait peut être pas si mal. Il n'en faisait rien pourtant. Jamais. Mais il ne pouvait le leur reprocher. Comment. Parfois ça n'était pas à voir. Parfois c'était trop lourd. Dur. Compliqué. Inimaginable. De pauvres images, comme des proies de cauchemars. D'une tristesse absolue. Parfois pire. Il les voyait essayer alors. Tenter le tout. Oublier. Faire comme si. Ça ne marchait jamais vraiment. Mais ils voulaient y croire. Mettre autre chose par dessus. Enterrer les cauchemars et les recouvrir d'espoir dans l'attente de. Parce qu'autrement, la folie guettait. Latente, implacable. Tous la sentaient venir. Elle était là, sans cesse. Espérant. Alors pour que la peur ne laissait place à la folie, on espérait. On tentait. On oubliait. Sans oublier vraiment jamais. Parfois, il a eu trouvé étrange cette capacité à mettre un masque et à s'inventer un sourire. Comme si ça ne s'était jamais produit. Et puis, il est apparu bien vite que parfois, il ne restait que cela. Cela ou l'abîme. Alors le masque soudainement devenait bien tentant. Il a fini par le revêtir rarement, à l'occasion. Par prétendre. Par sourire, même sans le cœur. Son palpitant menaçait de le trahir parfois à défaut de ses membres mais il n'avait pas perdu conscience. Il savait que la folie pouvait guetter aussi. Alors on tentait d'avancer. On tentait d'en créer d'autres. D'autres images. Moins sombres, moins abyssales. Pour tenir compagnie aux pires d'entre elles et les rendre plus supportables. Ces mêmes images pourtant n'étaient jamais vraiment enterrées. Pas chez lui. Parce qu'il n'était rien de pire que l'oubli. Rien de pire que de ne pas tenir compte du reste. Du bon, du mauvais, du pire. Parce qu'alors quelle valeur offrir. Quelle valeur donner à ce qui n’appartenait pas au pire. Le pire rendait le meilleur réel, vivant. Et si le doute l'assaillait alors, il ne restait qu'à saisir les images, les souvenirs. Parce qu'il n'était nulle table rase. Nulle échappatoire. La fuite ne suffisait pas toujours. Ou alors l'erreur guettait. Il en avait vu suffisamment pour avoir le sentiment d'avoir dit ce qui lui venait à l'esprit. Que parfois alors y faire face rend les choses bien plus acceptables. Moins erronées. Et même dans l'hypothèse, il n'en voulait pas. Parce qu'alors cela reviendrait à l'enterrer, lui. Définitivement. A jamais. A taire son existence, son souvenir. A tuer l'étincelle survivante comme on a tué l'étincelle vacillante de vie qui fut la sienne. Il était encore bien là, bien vivant. Du moins pour l'instant. L'hésitation l'avait saisi une seconde. Une simple seconde. La certitude avait bien vite repris ses droits. Inutile de s'offrir d'autres adieux. Pas encore, pas tout de suite, du moins. Un jour, peut-être. En attendant, il se refusait à oublier. Mais la culpabilité le prenait parfois, comme les regrets. Il savait que. Il le savait pourtant. Il n'empêche que parfois le doute revenait. Le sentiment que peut être. Que peut-être alors tout aurait pu être différent. Qu'il aurait pu agir différemment. Avant de se demander au nom de quoi alors. Il n'aurait pu prévoir. Il ne savait comment. Parce qu'il savait alors. Il savait alors qu'il n'aurait pas hésité une seconde. A qui la faute finalement. Le souvenir hantait avec ses interrogations. Et ses membres inférieurs n'avaient de cesse de le rappeler. Comme ce jour-là encore. Dans ses lieux. Le début de la fin. L'était-ce vraiment. Il n'était pas rare que Siobhan tente de le convaincre du contraire. Elle qui avait autant perdu. Plus peut-être. Elle disait alors qu'il suffisait de peu. D'un rien. Qu'à défaut d'oublier on pouvait vivre. Juste essayer. Et qu'au fond, ça n'était pas si mal. Qu'une nouvelle page blanche n'avait pas à devenir noire. L'idée lui plaisait, à lui aussi. Sans table rase alors, ne restait que les quelques éclats. Les sourires. Les souvenirs. Les raisons parfois de ne pas tout considérer trop noir. Même ces jours-là.
En croisant le regard de la jeune femme, il s'était presque attendu à recevoir en pleine face ses erreurs et ses cauchemars. Il n'en fut rien pourtant. Qu'étaient-ils au fond, ça n'était que des victimes comme les autres. Pour un instant alors, il ne tenta pas la table rase. Juste une halte. Il était étrange d'user à nouveau de ses gestes. Mais il y avait quelque chose de reposant dans le fait de ne pas avoir à élever la voix. De ne pas avoir à se faire entendre. Pour une fois. Le sourire qui naquit sur les lèvres de sa voisine manqua de lui créer un plus grand encore. La lèvre inférieure entre ses dents, il tenta de suivre le flot de ses mouvements. Enchanté moi aussi. Je ne peux malheureusement pas faire de même. Ce qui rend les journées encore plus longues. Espérons que celle-ci ne le soit pas trop. Il avait hésité, une seconde. Craignait de faire une erreur. User de mots, de voix, d'intonations. C'était un exercice qui faisait partie intégrante de son existence. Quand des années auparavant, il avait appris à s'exprimer seulement de ses mains, il avait cependant compris. Compris que le sens, que le ton ne dépendait pas toujours du son que l'on pouvait émettre. Que le silence pouvait être tout aussi clair, tout aussi parlant que les plus grands discours. Il avait eu peu l'occasion de pratiquer au cours des années mais la pensée, elle, était restée. En voyant la suite de son discours, il laissa finalement naître un sourire.
Ça doit être notre lot, je suppose. On pourrait croire pourtant qu'avec le temps, ça serait devenu évident. C'était vrai au fond. Il avait perdu le compte. Combien lui demandaient encore. S'excuser parfois. Comme s'ils étaient coupables de quoi que ce soit. Il n'était pas fou. Ni hargneux. Il n'avait jamais été de ceux qui reprochaient au monde ce qui n'allait pas chez eux. Parfois, il aimerait juste qu'ils oublient. Qu'ils fassent comme si. Sans doute était-ce trop demandé. L'empathie sans doute. Je ne compte plus les gens qui s'excusent de ne rien pouvoir faire. Ce n'est pas comme si c'était leur faute. Parfois ça l'est. Mais certainement pas celle de tout le monde. Et. C'est avec plaisir, Ruby. J'espère que je ne suis pas trop rouillé par contre. Le sourire bizarrement ne quittait pas ses lèvres. Comme si le silence avait quelque chose de libérateur. Sans doute l'était-il. Ne plus prêter attention au lieu. Aux sons. Aux voix. Juste aux gestes. Juste à la personne en face de soi. Et oublier. Presque.
- Spoiler:
Comment ? Pourquoi ? C'est triste. C'est dommage. Si tôt. C'est bête. Mais ça va, ça aurait pu être pire. Un jour peut-être, qui sait. Oh, pardon. Je ne vous avais pas vu. Quand ? C'est de naissance ? Oh moi, je ne pourrais pas. Ca va, toi, au moins, tu es vivant. Au moins. Les questions, les réflexions. Cela avait beau faire quelques années maintenant, elles étaient toujours là, incessantes. Répétitives. Inlassables. Les interrogations étaient parfois rudes mais relativement compatissantes, simplement curieuses, éventuellement indélicates. Rarement blessantes. Les remarques, en revanche, il s'en serait aisément passé. Les fausses excuses. Les expression de pitié. Les tentatives de compassion. Les essais ratés pour relativiser. Il n'avait besoin de rien de tout cela. Chaque jour suffisait à son fardeau. Chaque matin à manquer de s'effondrer suffisait à lui rappeler sa condition pour laquelle il n'entrevoyait aucune issue favorable. Il continuait alors. Il avançait. Sur deux roues. Dans sa propre voie. Il était ce qu'il était et il était toujours l'homme d'avant, plus froid parfois, peut-être plus prudent aussi, plus attentif mais rien. Ni son ambition, ni même son caractère n'avait jamais changé. Seule sa vie. Pas forcément de son fait d'ailleurs. A l'époque, il passait commodément inaperçu quand il le souhaitait, se fondait dans la foule, semblable aux autres. Désormais, c'était bien plus compliqué. Il devait prêter attention à tout et c'était une attention qu'il attirait sur lui, même quand il aurait voulu disparaître au milieu du monde. C'était sans doute l'une des choses à laquelle il avait bien du mal à s'habituer. Cette fausse bienveillance, à moins que ça ne soit pire parfois. Et puis il y avait le quotidien. Même les habitués du corps médical trouvaient toujours le moyen de se fendre d'une feinte compassion ou du mépris de l'habitude. Il n'était pas sûr de savoir lequel il préférait. Rester les autres. Ceux comme lui. Ceux qui ne jugeaient pas, parce qu'au fond, ils avaient leur souci eux aussi. C'était alors plus simple, plus évident, plus humain presque. La sincérité n'était pas calculée, elle était réelle. Maladroite parfois, mais bien réelle. Comme ce jour-là. Comme avec elle. C'était étrange, plutôt rare. Ses trop régulières visites dans ces enceintes étaient généralement solitaires. Il y avait longtemps qu'il avait cessé d'embarrasser sa sœur avec ces dernières. Elle avait bien d'autre chose à penser et il se refusait tant que possible à lui imposer de revenir en ces lieux porteurs de si mauvaises nouvelles et de si mauvais souvenirs. Ils l'étaient pour lui aussi, bien sûr, mais ils était devenus autres au fil du temps. Ils faisaient parties intégrantes de son existence et leur impact n'était plus le même, fané par les ans et l'habitude. La solitude en cet endroit était aussi bien souvent sienne et il s'y faisait comme il avait appris à se faire à tout. La rencontre était donc inhabituelle mais loin d'être déplaisante. Il en savait plus qu'elle n'en savait, elle, aussi il ne s'offensait pas qu'elle l'interroge plus en avant, même si au fond, là, aussi elle ne savait pas grand-chose. Elle lui apprit à son grand soulagement que ses gestes n'étaient pas si rouillés que ça. Il y avait longtemps qu'il n'avait pas pratiqué après tout. C'était presque déroutant mais pas désagréable. Il ne parlait pas tant avec les doigts quand il tenait un discours oral, il avait appris à contrôler ses mouvements mais il en comprenait la portée. La question qu'elle lui posa ensuite n'était pas vraiment inattendue. Il était vrai que les individus signant étaient rares. Lui-même n'avait pas le souvenir d'en avoir rencontré beaucoup, hormis chez les principaux concernés bien sûr. Il regrettait que ça soit le cas d'ailleurs. Mais comme elle le disait si bien, nombreux étaient ceux qui jugeaient cela trop compliqué. Il tenta alors, teinté d'hésitation de signer sa réponse. Les souvenirs dataient quelque peu, de la vie d'avant. J'ai appris à l'université. Mon colocataire avait un ami muet et il désespérait de ne pas le comprendre quand il signait. Il trouvait ça trop compliqué, lui aussi. Alors on a appris ensemble. Je me suis dit que ça servirait toujours et on a pu tous les deux communiquer avec lui par la suite. Un concours de circonstances. Mais même sans pratiquer beaucoup, je trouve ça bien utile encore aujourd'hui. Il se demandait bien ce qu'il devenait désormais. Tant de temps avait coulé depuis l'université. Parfois, ça lui manquait. Tout paraissait plus simple à l'époque. Mais il était parvenu où il le désirait et même dans sa situation actuelle, ça n'était pas quelque chose qu'il regrettait. Il devrait sans doute tenter de le recontacter après coup. Peut-être était-il déjà au courant de l'histoire, peut-être que non. Que penserait-il alors ? Que penseraient-ils ? Perdu dans ses réflexions, il mit un temps avant de noter l'apparition de l'infirmière. S'il y avait bien une chose que son métier lui avait enseigné, c'était à quel point le discours pouvait être différent entre les mots et l'expression. Cela servait généralement à juger de la sincérité des propos et il n'avait pas beaucoup d'efforts à faire pour remarquer qu'elle ne l'était pas particulièrement. L'attente, ici, c'était sans doute le pire. Au moins cette fois, il n'était pas seul. Elle paraissait moins longue. Il eut un sourire en voyant les propos de la jeune femme. Nous sommes deux. J'aimerais parfois qu'ils nous donnent des horaires plus proches de la réalité. Mais c'était probablement trop demandé. Il ne restait donc qu'à patienter. En d'autres temps, ses membres se seraient sans doute ankylosés. Mais maintenant, il aurait été bien incapable de le dire. Il l'observa signer à nouveau, le laissant interrogateur, avant de voir sa question. En réalité, elle n'était pas si courante que ça. Bien souvent l'intérêt se portait sur les circonstances, les causes, la tragédie que sa condition représentait. On s'intéressait rarement à ce que cela faisait, lui faisait. Mais la question ne venait pas de n'importe qui. Il pourrait lui poser la même en effet. Comment se sentirait-il s'il était incapable de parler ? Sa voix, bien plus encore maintenant qu'il n'avait plus sa liberté de mouvement, c'était tout ce qu'il lui restait. C'était ce qui faisait qu'il était encore capable d'exercer, qu'il était encore capable d'imposer un respect que son fauteuil avait tendance à ternir. Ca lui serait bien plus insupportable que la perte de ses membres inférieurs, sans nul doute. Il chercha donc les mots, pas vraiment certain de savoir comment s'exprimer. Il faisait. Mais l'affirmer ne serait pas une réponse, loin de là. C'est ... déroutant. Ca fait plusieurs mois mais c'est toujours compliqué. C'est comme être figé, pris dans le sol en permanence. Il ne reste que la force des bras pour tout faire. Pour porter le poids. Pour avancer. Pour supporter. On est réduits et en même temps, on prend de la place. C'est ... épuisant. On s'y fait comme à tout. Je ne suis pas le plus à plaindre. Mais ... je regrette ma liberté de mouvement. Plus que toute chose en fin de compte, c'était bien cela. La taille, le poids. Il s'y faisait. Il apprenait. Mais il n'était plus libre. Plus libre de faire comme il le souhaitait. Plus libre de continuer comme il le voudrait. Plus libre de vivre comme il l'entendait.
- Spoiler:
Figé. Les premières semaines avaient été les pires. Il avait non seulement fallu faire face au regard anéanti de sa sœur mais aussi accepter le fait qu'il ne sentirait plus jamais ses jambes. Que le sol sous ses pieds serait désormais un inconnu. Que ses membres inférieurs ne le porteraient plus. Qu'il ne pourra plus jamais faire un pas devant l'autre. Comme beaucoup, il avait toujours considéré cette capacité comme une évidence. Il l'entretenait même, comme on entretient son physique de manière générale. Il avait eu la malchance d'être blessé au lycée pendant quelques semaines avec une cheville dans le plâtre mais ça n'avait pas été grand-chose. Ça avait été compliqué au début mais c'était juste une affaire de jour. Il avait récupéré puis était passé à autre chose. Les années qui avaient suivi, il avait même oublié. Et puis le souvenir était revenu soudainement le frapper. Il l'avait détesté aussitôt. Parce que cette fois, il ne se faisait pas grandes illusions. Il se l'était autorisé parfois dans des instants de faibles espérances mais il en avait fait son deuil, comme il avait du faire son deuil de son meilleur ami et beau-frère. Tout ça pour quoi ? Cela en valait-il réellement la peine ? Il s'en était maudit, tout en sachant pertinemment que les regrets n'avaient jamais eu leur place chez lui. Il avait appris à y faire un trait. Il avait du se réhabituer. A tout. A chaque mouvement. A chaque geste. Ses bras trop faibles encore avaient bien du mal à le porter, ne serait-ce qu'à le maintenir en mouvement pour autant de temps qu'il l'aurait souhaité. Il s'était maudit. Il avait tout maudit. Il avait cependant gardé ses complaintes pour lui quand elle était là. Le poids de la culpabilité sans doute. C'était là peut-être bien le prix à payer. Céder n'était pas une option, pas quand pour une raison qu'il ne saisissait pas, il était encore de ce monde. Il avait appris alors. Comme il avait toujours fait, pour tout. La difficulté par chance n'avait jamais été son point d'arrêt, bien au contraire. Il ne pensait pas en avoir connu de telles sortes cependant. C'était bien nouveau et c'était surtout permanent. Il ne pouvait pas l'oublier, passer à autre chose, penser à autre chose même. Oublier pouvait créer toutes sortes d'ennuis dont il n'avait absolument pas besoin. Un jour après l'autre. Un pas sans l'autre. Et puis les semaines avaient passé. Les mois avaient suivi, l'habitude avec eux. Les jours était avec, parfois sans. Il n'avait pas tellement le choix. Il vivait d'autre chose, il utilisait d'autres moyens. Il continuait encore. Il pouvait faire longtemps, il le savait. Il le devait bien. La vie avait repris son cours, bien que sur un rivage différent. En écoutant la jeune femme, il en venait à se demander ce qu'il aurait mieux valu. Ne jamais pouvoir marcher ou en être privé en ayant pu en profiter auparavant. Ce qu'on le ne possède, ne peut nous manquer. Il n'arrivait plus à se souvenir de l'auteur de ces mots. Peut-être sa situation était-elle plus enviable que la sienne. Il n'arrivait pourtant pas à se décider sur la question. Quelques mois, en effet. Il m'arrive encore parfois d'oublier. Ça peut paraître étrange. Ce n'est quelque chose qui paraît évident à oublier. Je ne sais pas d'où ça vient. J'ignore si cela vous arrive aussi. Ca doit être différent. Il tentait de se faire à l'idée. Vivre à jamais sans, sans avoir même connu. Vivre sans sa voix, jamais. Sa vie aurait été bien différente, c'était certain. Il ignorait où elle l'aurait mené alors. Il avait du mal à se souvenir de vieilles ambitions d'enfance. La suite de son discours l'amena vers d'autres réflexions. Il était vrai qu'il voyait certaines choses différemment, qu'il en remarquait bien souvent alors qu'il n'y avait jamais prête attention auparavant. Sa condition n'avait pas été la seule à changer, sa vision aussi. Il n'était plus au même niveau mais il n'était pas dans le même domaine non plus. Il devait prévoir, voir. Et puis même parfois, au delà de sa propre condition, il se prenait à considérer différemment les individus qu'il avait à traiter en affaires. Je n'y avais jamais vraiment réfléchi mais ce que vous dites est vrai. La perspective est différente. Il observa d'autant plus ses gestes, le voyant rechercher quelque chose dans son sac. Elle lui tendit une carte qu'il saisit surpris avant de reconnaître le nom du lieu de travail de la jeune femme. Il ne signa rien pendant quelques instants, son regard perdu sur la carte. A force de discours, il avait presque oublié qu'elle n'était pas une inconnue, du moins, qu'elle ne lui était pas étrangère. Il sourit, pourtant, fait rare et reposa la carte sur ses jambes dans l'attente de pouvoir la ranger. Merci. Je n'y manquerais pas. Du coup, je suis intrigué. Vous êtes danseuse ? Il connaissait déjà la réponse, bien entendu mais il refusait d'aborder la question. A quoi cela servirait-il de toute manière ? Au lieu de quoi, il voulait être curieux. Voir autre chose, apprendre autre chose que les dossiers qu'il avait appris à connaître à les rendre vide de sens.
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